Franchiseurs, améliorez la stabilité de votre réseau en professionnalisant la sélection de vos franchisés

Franchiseurs, améliorez la stabilité de votre réseau en professionnalisant la sélection de vos franchisés

Avec mes quelques années d’expérience dans le domaine de la franchise, je suis finalement forcé de le reconnaitre : être franchiseur, ça ne s’improvise pas. Tout du moins, pas complètement.

Si l’improvisation et la capacité d’un dirigeant à remettre en cause l’ordre sont nécessaire pour optimiser et pérenniser un système de franchise, elles ne doivent en aucun cas écarter certaines recettes et méthodes fondamentales sur lesquelles le futur réseau se reposera.

La sélection des franchisés est le parfait exemple de processus pour lequel il faut une méthode, claire, et le moins faillible possible. Un de ces processus tellement influents sur la survie de votre réseau que la simple idée de ne pas le maîtriser serait déraisonnable.

Ne sous-estimez pas l’impact d’un mauvais choix

Entendons-nous bien. Lorsque je parle de sélection de candidat, je parle uniquement de l’évaluation qui consiste à savoir si un candidat à la franchise doit être retenu pour participer à votre développement. Cette phase est bien distincte de la phase d’attraction des candidats qui laisse, elle, beaucoup plus de place à l’improvisation et à la créativité.

Lorsque je suis devenu franchiseur, mon instinct m’a logiquement guidé vers un mode de sélection simple : un candidat à la franchise est de facto un bon candidat. Il veut entreprendre, il s’est documenté, il a un comptable et un avocat. Il sait forcément ou il met les pieds. On arrive facilement à se persuader que l’opération sera gagnante quoi qu’il arrive. En réalité, le jeune franchiseur n’a souvent pas d’autre choix que d’y croire, pris en étau entre le besoin de croître pour amortir ses investissements et le manque de recul sur la réalité des candidats.

C’est une grave erreur.

L’expérience vous apprendra que votre réussite est largement dépendante de vos franchisés. Votre concept (aussi beau soit-il), vos emplacements (aussi uniques soient-ils), tout cela ne vaut rien si vous avez mal choisi vos franchisés.

A titre d’illustration, une étude (Greg Nathan. The Psychology of the Franchise Relationship) présentée en 2006 lors d’un congrès de l’association américaine du barreau, et basée sur une analyse des échecs en franchise, expliquait « qu’en supposant qu’un système de franchise repose sur un business model éprouvé et soit doté d’un système de formation convaincant, le travail et les talents du franchisé comptent pour 40% de son succès ». Vous auriez quasiment autant de chance de voir un franchisé réussir sans avoir été sélectionné en amont que de gagner à la roulette en misant sur une couleur.

Les choses ne s’arrêtent pas là. L’échec d’un franchisé vous coûtera d’autant plus cher qu’il sera associé à une mauvaise sélection. Il sera tout d’abord compliqué à accepter moralement car il remet insidieusement en question votre fonctionnement et votre rapport de confiance à l’autre. Il vous force ensuite à restructurer vos équipes et votre fonctionnement pour pallier les pertes de redevances qui alimentent votre modèle économique. Mais il y a pire.

Le franchisé en situation d’échec peut se sentir fragile aux yeux des autres. Il est tellement déçu qu’il aura du mal à endosser le poids de la responsabilité de son échec (c’est un biais psychologique humain auquel nous serons tous confrontés un jour). Pour pallier ce sentiment, il va chercher des allier, diffuser des pensées négatives et contre-productives au sein du réseau et à l’extérieur. Une énergie qui minera le moral de la tête de réseau et la détourne progressivement de son rôle d’assistance et de formation.

Je n’insisterai pas plus. La sélection des franchisés ne doit pas laisser de place au hasard. Elle doit être maîtrisée par la tête de réseau le plus rapidement possible. La question est donc de savoir comment.

Un apport suffisant et l’esprit entrepreneurial

Sur le papier, la sélection des franchisés ressemble à une formalité.

Les sites spécialisés qui fourmillent sur internet vont vous recommander de vous intéresser à des critères quantifiables comme l’expérience préalable du candidat dans votre secteur d’activité, son apport personnel, ou sa mobilité géographique. Autrement dit, s’il faut 100 000 euros pour se lancer avec votre concept et que vous avez une opportunité à Lyon, il faut que vous trouviez un candidat prêt à travailler à Lyon et qui dispose d’au moins 100 000 euros. Basique.

La plupart des franchiseurs et experts que j’ai interrogés sur le sujet vont ensuite parler « d’esprit entrepreneurial », de « valeurs », de « savoir-être » ou « d’esprit d’équipe ». Les choses commencent alors à se complexifier : ces éléments sont difficilement quantifiables.

Depuis que je suis devenu franchiseur, mes équipes et moi nous sommes posés de nombreuses questions sur la sélection des candidats :

  1. Une grande partie des candidats se définissent comme « entrepreneurs ». Tous sont intimement convaincus de l’être. Nourris par la perspective d’une nouvelle carrière et les milliers d’articles valorisant l’entrepreneuriat qui fleurissent dans la presse, nous avons tous un jour rêvé d’être un nouveau Branson ou Zuckerberg. Mais comment savoir si votre candidat en aura réellement les capacités ? Comment faire la part des choses entre ce qu’il souhaite être et ce qu’il est au fond de lui ?
  2. Les candidats qui viennent vous voir ont généralement tous un coup de cœur pour votre concept. Mais le coup de cœur est finalement très semblable au coup de foudre amoureux. Comment s’assurer dès lors que ce coup de cœur se transforme en quelque chose de plus sain, de plus durable ?
  3. Le candidat qui vient vous voir n’a souvent qu’une mince idée du stress que va générer en lui l’activité de franchisé dans laquelle il se lance. Comment savoir comment il réagira à ce stress ?
  4. Considérons que je rencontre le candidat idéal sur le plan « moral » : Il fait preuve de persévérance, d’un relationnel exceptionnel et correspond aux valeurs que vous défendez. Que faire si ce candidat n’a pas l’apport suffisant ? Devez-vous abandonner le projet ?
  5. A l’inverse, si vous rencontrez un candidat issu de votre domaine, avec les compétences, l’apport nécessaire et qui soit prêt à s’implanter ou vous le souhaitez. Devez-vous le suivre même si vous ne vous entendez pas personnellement avec lui ?

Ces questions, tout franchiseur devraient se les poser un jour, ne serait-ce que pour envisager la complexité de ce qu’est la sélection d’un candidat. Elles permettent d’envisager la question de la sélection un cran au-delà des filtres usuels et de se demander ce qu’est vraiment un bon franchisé.

Alors, qu’est-ce qu’un bon franchisé ?

Le premier mythe à déconstruire est celui qui voudrait que le bon franchisé soit celui qui fait le meilleur chiffre d’affaires. Mon expérience et mes échanges avec d’autres franchiseurs tendent à démontrer qu’au-delà du chiffre d’affaires (dont l’attrait provient de sa corrélation aux redevances), il convient d’apprécier la réussite du franchisé dans son ensemble. Ainsi, on pourrait définir un bon franchisé par trois critères :

  1. Sa capacité à maximiser la marge que génèrera son affaire. Il aura donc non seulement une capacité à développer son chiffre d’affaires, mais aussi à contrôler ses coûts au regard du cadre qui lui est offert par la franchise.
  2. Sa capacité à offrir à chacun de vos clients une bonne expérience et à nourrir positivement l’image que renvoi votre marque
  3. Sa capacité à s’épanouir dans le rôle du franchisé, à participer de manière constructive à l’amélioration du système de franchise, et à s’engager pour favoriser un esprit positif au sein du réseau. Cette dimension implique que le franchisé soit prêt à abandonner une partie de sa liberté pour le bien du réseau.

Sur cette base, un franchiseur peut réfléchir à des moyens concrets d’évaluer si un candidat peut devenir ou non un bon franchisé. Chaque franchiseur doit être capable de créer une liste claire des critères qui permettront de tester ces dimensions et de valider ou non un candidat. Une liste qui lui est propre et qui répond à ses valeurs.

Voici à titre d’exemple une liste de critères que nous utilisons chez BCHEF pour qualifier un candidat lors de notre processus de recrutement.

  1. Le candidat a-t-il une base de connaissances en comptabilité ?
  2. Le candidat a-t-il le soutien de ses proches dans ce projet ?
  3. Le candidat a-t-il le sens de l’effort et de l’implication ? Estime t’il que son succès proviendra de son implication ou du système de franchise ?
  4. Le candidat comprend-il qu’il n’est pas salarié et tout ce que cela implique ?
  5. Comment le candidat perçoit-il la redevance et l’assistance ?
  6. Le candidat se concentre t’il sur les solutions plutôt que sur les problèmes ?
  7. Le candidat est-il dynamique ?
  8. Le candidat est-il organisé et capable de passer d’un sujet à l’autre ?
  9. Le candidat a-t-il un bon sens du contact ? Est-il charismatique ?
  10. Le candidat est-il attiré par la perspective de faire évoluer le concept ?
  11. Le candidat est-il transparent ? Sera-t-il fiable dans le partage d’informations ?
  12. Le candidat a-t-il bien compris le cadre de la franchise et ce qu’il implique ?
  13. Le candidat est-il à l’aise avec la solitude de l’entrepreneur ?
  14. Le candidat est-il résistant au stress ?
  15. Le candidat est-il prêt à prendre ses responsabilités ?

Multiplier les méthodes de sélection pour consolider les choix

Il faut ensuite tester ces qualités sur le terrain. Il n’y a dans les faits rien de complexe dans la méthode, mais il faudra que le franchiseur accepte de professionnaliser la manière dont il note les candidats.

Le caractère qualitatif des questions posées peut donner lieu à des interprétations. Il faudra donc tester puis trianguler les ressentis pour limiter les chances de se tromper. Pour ce faire, on cherchera à multiplier les sources d’informations et à vérifier la concordance des résultats qu’elles nous livrent. La triangulation est un outil que j’utilise régulièrement pour prendre des décisions importantes, elle permet de supprimer la subjectivité d’une question de manière rapide et efficace.

Un franchiseur peut l’appliquer à son processus de recrutement en multipliant les modes de questionnements et les points de contact.

  • Formulaires de candidature du franchisé et auto évaluation
  • Évaluation d’autres franchisés lors des journées d’immersion
  • Rencontre avec plusieurs personnes de la tête de réseau
  • Tests de personnalités de validation

L’ensemble des ces méthodes n’est qu’un exemple basé sur nos procédures internes, mais soyez libres de trouver les votre. L’important reste de limiter au maximum la notion d’incertitude qui peut peser sur un candidat.

Dernière chose. Tout ce formalisme peut conduire à la recherche de la perfection chez les candidats, ce qui risque de limiter grandement vos chances de développement. Comme dans la majorité des domaines, le zéro risque n’existe pas. Il arrivera donc souvent qu’un candidat remplisse la majeure partie de vos critères mais possède des lacunes ou points d’amélioration sur d’autres. Réfléchissez alors à la capacité de votre système à l’accompagner pour corriger ses « défauts » et assurer sa réussite. C’est la que votre rôle de franchiseur prend tout son intérêt !

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2 réponses à “Franchiseurs, améliorez la stabilité de votre réseau en professionnalisant la sélection de vos franchisés”

  1. Bonjour Monsieur Perret,

    Je trouve votre analyse de la recherche du franchisé idéal très pertinente.
    J’ai été en charge du recrutement et de l’accompagnement des franchisés d’une franchise que j’ai créée il y a 8 ans depuis ex nihilo et à chaque recrutement je me posais toutes ces questions, souvent rendant la sélection difficile , voire impossible.
    J’aurais aimé connaitre votre taux de réussite, j’entends par là , le nombre de franchisés que vous avez recrutés et que vous estimez être le bon candidat au sein de votre réseau.
    Bien à vous
    Nathalie SM

    • Bonjour Nathalie, merci pour votre commentaire. Il nous faudrait un retour d’expérience d’au moins 3 à 5 ans pour juger réellement du bien fondé d’un recrutement, car en l’état actuel des choses et au regard de nos outils, nous estimons que la totalité de nos recrutements récents sont fondés sur l’adéquation avec nos valeurs et notre réseau et refusons tout recrutement sur lequel une personne de notre Comité de sélection émet un doute sérieux. Le temps nous permettra d’améliorer nos critères et de comprendre où nous pouvons potentiellement nous tromper!

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